Depuis la pandémie de COVID-19, la population a plus facilement tendance à utiliser du gel hydroalcoolique, y compris sur des supports inhabituels. Certains porteurs de lunettes s’interrogent sur la possibilité d’en faire un nettoyant pour leurs verres correcteurs. Alors, est-ce une bonne idée de se servir de gel hydroalcoolique pour nettoyer ses lunettes ? Les agents chimiques présents dans ce produit sont-ils compatibles avec les matériaux qui composent les verres optiques ? Vous aurez beau découvrir divers modèles de lunettes de vue, ceux-ci ne sont généralement pas compatibles avec un nettoyage au gel hydroalcoolique, et ce quel que soit le type de verres et de montures.

La composition chimique du gel hydroalcoolique et son effet sur les traitements antireflets

Les solutions hydroalcooliques commerciales contiennent principalement de l’éthanol ou de l’isopropanol à des concentrations comprises entre 60% et 80%. Divers additifs comme les humectants, les gélifiants et parfois des agents parfumants sont également présents dans la composition du produit. Chimique et complexe, celle-ci peut poser problème lorsqu’elle entre en contact avec les revêtements appliqués sur les verres correcteurs.

La concentration d’éthanol et d’isopropanol

Les solutions hydroalcooliques contiennent 70% d’éthanol, ou une concentration similaire d’alcool isopropylique. Ces concentrations élevées, bien qu’efficaces contre les pathogènes, exercent une action solvante puissante sur les polymères organiques contenus dans les traitements de surface des verres. L’exposition répétée à ces solvants peut provoquer un gonflement moléculaire des couches protectrices, entraînant une dégradation progressive de leurs propriétés optiques et mécaniques.

La réaction des couches antireflets avec l’alcool

Les traitements antireflets multicouches sont composés de films nanométriques d’oxydes métalliques alternés. Ces structures délicates peuvent subir des altérations irréversibles au contact d’alcools concentrés. L’éthanol et l’isopropanol pénètrent entre les couches interfaciales, modifiant les indices de réfraction et créant des zones de délamination microscopique. Cette dégradation se manifeste initialement par une légère turbidité, évoluant progressivement vers un aspect iridescent caractéristique des traitements endommagés.

L’altération des traitements hydrophobes et oléophobes par les agents désinfectants

Les revêtements hydrophobes et oléophobes appliqués en surface externe des verres utilisent des composés fluorés ou des silanes fonctionnalisés pour repousser l’eau et les corps gras. Ces molécules organiques sont vulnérables aux solvants alcooliques, qui peuvent rompre les liaisons chimiques responsables de leurs propriétés antiadhésives. La dégradation de ces traitements s’observe par une augmentation de l’étalement des gouttes d’eau, de l’adhérence des salissures et de la difficulté à conserver la propreté des verres.

La dégradation des revêtements anti-rayures

Les couches durcissantes contiennent des nanoparticules de silice dans une matrice polymérique pour améliorer la résistance aux rayures. L’exposition aux alcools concentrés peut provoquer une plastification de cette matrice, réduisant la dureté de surface et augmentant la susceptibilité aux dommages mécaniques. Cette dégradation compromet la protection physique du verre et peut également affecter la transmission lumineuse ou créer des points de diffusion optique indésirables.

Des verres optiques incompativles avec les désinfectants alcoolisés

La diversité des matériaux utilisés dans la fabrication des verres correcteurs implique des réactions variables au contact d’agents désinfectants alcoolisés. Chaque type de substrat possède des propriétés chimiques particulières qui déterminent sa résistance ou sa vulnérabilité aux solvants organiques.

La résistance du polycarbonate Trivex aux solvants organiques

Le polycarbonate et le Trivex, matériaux polymères de nouvelle génération, sont capables de résister aux alcools dilués car leur structure moléculaire réticulée limite la pénétration des solvants, préservant ainsi leurs propriétés optiques et mécaniques. Cependant, une exposition prolongée ou répétée peut entraîner un phénomène de fissuration.

La vulnérabilité du CR-39 et des verres minéraux aux gels hydroalcooliques

Le CR-39, polymère thermodurcissable amplement utilisé dans l’optique corrective, affiche une sensibilité modérée aux alcools concentrés. Sa structure aliphatique peut subir un gonflement sous l’action de l’éthanol, provoquant des contraintes internes et des déformations optiques temporaires. Les verres minéraux, bien qu’inertes chimiquement, peuvent voir leurs traitements de surface compromise par l’action des désinfectants. La différence de coefficients de dilatation entre le substrat minéral et les couches organiques appliquées peut générer des contraintes interfaciales lors du séchage rapide des produits alcoolisées.

L’effet de l’alcool sur les verres photochromiques

Les verres photochromiques sont composés de molécules organiques sensibles aux radiations UV dans leur matrice polymérique. Ces chromophores, responsables de la variation de teinte, peuvent être altérés par l’exposition aux solvants alcooliques. Le gel hydroalcoolique peut modifier la mobilité moléculaire de ces composés actifs, affectant leur capacité de réaction aux stimuli lumineux. Cette dégradation se manifeste par une diminution progressive de l’amplitude de variation chromatique et un ralentissement des cinétiques d’activation et de désactivation photochromiques.

Le comportement des verres à indice élevé avec l’éthanol

Les verres à haut indice de réfraction utilisent des monomères aromatiques ou des additifs organométalliques pour atteindre leurs propriétés optiques performantes. Ces matériaux élaborés sont surtout sensibles aux solvants polaires comme l’éthanol. L’interaction entre les alcools et les composés aromatiques peut provoquer des phénomènes de plastification locale, modifiant l’indice de réfraction et créant des inhomogénéités optiques. De plus, la présence d’additifs métalliques peut catalyser des réactions d’oxydation en présence d’alcools, entraînant une coloration jaunâtre caractéristique du vieillissement prématuré.

Les protocoles de nettoyage optique recommandés par les fabricants

Les leaders mondiaux de l’optique ont développé des protocoles de nettoyage qui visent à préserver l’état et les fonctionnalités de leurs produits sans pour autant négliger l’hygiène. Ces recommandations s’appuient sur des années de recherche et de tests de compatibilité matériaux.

L’eau tiède et le savon liquide neutre sont souvent la base d’un nettoyage quotidien optimal pour les verres traités. Le protocole recommandé implique un rinçage préalable à l’eau courante pour éliminer les particules abrasives, suivi d’un lavage doux avec une solution savonneuse non détergente. L’essuyage doit être réalisé avec un chiffon microfibre spécialement conçu pour l’optique, en effectuant des mouvements circulaires depuis le centre vers la périphérie. Cette méthode permet d’éliminer les contaminants biologiques tout en protégeant les traitements apposés.

Des solutions de nettoyage formulées peuvent aussi convenir, notamment pour ses traitements spéciaux. Ces produits utilisent des tensioactifs non ioniques et des agents mouillants compatibles avec les revêtements multicouches. La concentration en alcool de ces produits spécialisées restent minimes pour éviter la dégradation des polymères de surface.

Les produits alternatifs au gel hydroalcoolique pour la désinfection des montures

Plusieurs alternatives permettent d’assurer en même temps une désinfection correcte et la préservation de la qualité des composants optiques. Ces options s’appuient sur des principes actifs différents ou des protocoles d’application modifiés.

Les lingettes nettoyantes spécialement formulées pour l’optique sont très pratiques. Ces tissus utilisent des solutions aqueuses contenant des agents tensioactifs doux et des conservateurs antimicrobiens. Leur faible teneur en alcool permet une action désinfectante sûre sans abimer les traitements de surface.

Les systèmes de nettoyage par ultrasons, disponibles chez les opticiens professionnels, apparaissent comme une alternative technologique très performante. Ces appareils utilisent des vibrations haute fréquence dans un bain aqueux pour déloger les contaminants microscopiques sans contact mécanique. L’ajout d’agents désinfectants doux au bain de nettoyage permet d’obtenir une parfaite stérilisation et de préserver l’état des composants optiques.

Les conséquences techniques d’un nettoyage inadéquat sur la performance visuelle

L’utilisation de désinfectants alcoolisés sur les verres correcteurs fait sans conteste partie des erreurs à éviter. Cette négligence peut entraîner une cascade de dégradations affectant progressivement la qualité de la vue.

La dégradation des traitements antireflets se manifeste d’abord par une augmentation des reflets parasites, très gênante lors de la conduite nocturne ou du travail sur écran. L’altération de ces couches nanométriques modifie les interférences constructives et destructives responsables de la réduction des reflets, créant des zones de scintillement et des halos lumineux autour des sources ponctuelles. Cette détérioration progressive peut augmenter la fatigue oculaire et réduire l’acuité visuelle dans des conditions d’éclairage difficiles.

L’endommagement des revêtements hydrophobes et oléophobes facilite l’adhésion des contaminants atmosphériques, créant un cercle vicieux de salissures persistantes. Les particules lipidiques, les poussières et les aérosols se fixent plus facilement sur les surfaces altérées, nécessitant des nettoyages plus fréquents et plus agressifs. Cette accumulation de dépôts diffuse la lumière incidente, réduisant le contraste et la netteté de l’image rétinienne. Les porteurs peuvent ressentir une impression de voile permanent, notamment perceptible lors de la lecture ou des activités de précision.

Par ailleurs, les verres à indice élevé, lorsqu’ils sont exposés de manière répétée aux substances hydroalcooliques, peuvent développer des micro-fissures internes invisibles à l’œil nu mais détectables par analyse optique poussée. Ces défauts structuraux modifient les propriétés de réfraction locale, créant des aberrations chromatiques et des distorsions périphériques. L’accumulation progressive de ces dommages peut nécessiter un remplacement prématuré des verres, représentant un coût économique conséquent pour le porteur et compromettant temporairement sa correction visuelle.